L'Ami de la Religion et du Roi

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Relation du toucher des scrofuleux au sacre de Charles X (Reims, 31 mai 1825)

Exclusivité de la Gazette royale (n° 148)

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Relation du toucher des scrofuleux

au sacre de Sa Majesté Charles X

(REIMS, LE 31 MAI 1825)

 

 

 

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Charles X en costume de sacre.

 

Le document que vous allez lire n'a jamais été publié dans son intégralité. Le 31 mai 1825, soit six jours après son sacre, le roi Charles X se rendit à l'hospice Saint-Marcoul afin d'accomplir le rite du toucher et de perpétuer ainsi la tradition des rois thaumaturges. Les religieuses de Saint-Marcoul relatèrent cet événement et les guérisons qui s'ensuivirent dans un manuscrit. Ce document fut ensuite remis à l'abbé Desgenettes ; l'abbé le confia plus tard à Dom Guéranger ; le manuscrit est encore aujourd'hui à l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Nous remercions vivement Dom Thierry Barbeau d’avoir transmis ce texte, exceptionnel, à La Gazette Royale. « Dieu te guérisse, le Roi te touche ».

 

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Sacre de Charles X (détail).

 

Relation de ce qui s’est passé à l’hospice Saint-Marcoul, le 31 mai 1825

 

La communauté partagea avec toute la nation la joie que répandit dans les cœurs vraiment français l’auguste cérémonie du sacre de Sa Majesté Charles X. Elle se réjouissait de voir dans cette ville, qui fut le berceau du christianisme pour les Francs, un prince religieux consacrer son royaume et son peuple au Dieu de saint Remi et de Clovis. Les sœurs connaissaient, par le récit de celles qui les avaient précédées dans l’honorable emploi de mères des pauvres, les nombreuses guérisons qu’il avait plu à Dieu d’opérer au sacre de Louis XVI. Dépositaires de quelques-uns des procès-verbaux qui constatent ces faits 1, elles espéraient les voir se renouveler sous leurs yeux et ne négligeaient rien pour préparer leurs malades et ceux du dehors à se rendre dignes des mêmes faveurs, par leurs prières et leurs bonnes œuvres. Mais à mesure que le moment approchait, elles virent avec peine [f° 7 v°] qu'on ne s'occupait pas de cette intéressante cérémonie, et bientôt on les chargea d'annoncer aux malades qui se présenteraient, que le Roi ne toucherait pas les écrouelles.

 

Les personnes pénétrées de respect pour les usages religieux de notre antique monarchie cherchaient à connaître les raisons qui avaient pu déterminer notre auguste monarque à renoncer à l’une des plus belles prérogatives de sa couronne. On se demandait comment il avait pu se décider à ne pas se rapprocher de cette portion de son peuple, que des maux incurables doivent rendre plus chère à son cœur. Les uns attribuaient sa résolution à un sentiment profond d’humilité qui ne lui avait pas permis de croire qu’il plût à Dieu d’opérer par son moyen quelques-uns de ces prodiges, preuves de sa toute-puissance et dons de sa miséricorde pour réveiller et raffermir la foi et allumer le feu de la charité dans tous les cœurs. Les autres pensaient que les intrigues et les réflexions des philosophes avaient pu exercer quelque influence ; qu’on avait craint que le miracle si bien avéré des guérisons précédentes ne se renouvelât pas et que cette circonstance, au lieu de faire rentrer en eux-mêmes des chrétiens indignes des bienfaits du Très-Haut, ne fût pour les faibles une cause de scandale et [f° 8 r°] pour les impies une occasion de triomphe. Quoi qu'il en soit, le 29 mai, jour du sacre, on avait perdu l'espérance de faire révoquer l'ordre qui avait été donné de renvoyer les scrofuleux. Mais que peuvent l'indifférence ou des craintes mal fondées contre une tradition ancienne et si bien établie dans la conscience d'un peuple entier !

 

Tandis que les conseillers du prince flottaient incertains sur le parti à prendre, les malades pleins de confiance dans la protection de saint Marcoul, instruits des nombreuses guérisons qui avaient suivi le sacre de Louis XVI par ceux qui en avaient été les témoins, affluaient à Reims de toutes parts, se rendaient à l’hospice et là s’informaient avec la plus vive anxiété du jour où ils auraient le bonheur d’être touchés par le Roi.

 

Il est impossible d'exprimer les peines et les angoisses des sœurs. Comment annoncer à ces infortunés que leur attente est trompée, que tout espoir de guérison est perdu pour eux ! Ces malheureux, harassés des fatigues de voyages longs et pénibles, se plaignaient amèrement de ne pouvoir se reposer un instant dans le lieu où ils avaient espéré trouver la fin de leurs maux et, dans leur mécontentement, ils avaient l’injustice de s’en prendre [f° 8 v°] aux sœurs de la maison, qui chargées de leur faire connaître la volonté du Souverain, en gémissaient pour eux et avec eux et mettaient tout en œuvre pour la leur rendre favorable.

 

L’affliction de ces pauvres infirmes était encore augmentée par la présence de plusieurs de ceux qui, touchés au sacre précédent, avaient été guéris. La circonstance ranimant leur reconnaissance, ils venaient publier les bienfaits de Dieu, offrir leurs hommages au glorieux patron de l’hospice, l’implorer pour ceux qui étaient atteints des maux dont ils avaient obtenu la guérison. « Je viens, disait l'un d'eux, remercier les bonnes sœurs, qui m’ont si bien accueilli il y a cinquante ans, faire ma prière près des reliques de saint Marcoul » ; et s’adressant à une sœur : « Voyez, lui dit-il, les cicatrices de mes plaies, j’ai eu le bonheur d’être touché par notre bon roi, et depuis ce temps je n’ai pas éprouvé le plus léger retour du mal dont j’étais atteint. » Combien la satisfaction des uns devait ajouter à la tristesse des autres ! Les discours de ceux qui publiaient leur bonheur en présence de ceux à qui on ôtait l'espoir de le partager augmentaient les peines et les embarras des sœurs de l'hospice.

L’état du plus grand nombre de ces infortunés était [f° 9 r°] réellement digne de compassion. Appartenant pour la plupart à la classe indigente, les uns avaient été amenés sur de mauvaises charrettes et les incommodités du chemin avaient ajouté à leurs souffrances habituelles. Les autres s'étaient traînés sur leurs béquilles et, à force de courage et de patience, étaient arrivés au lieu si ardemment désiré. Quelques-uns y avaient été apportés sur le dos ou les bras de leurs parents. Tous étaient sans asile et sans ressource. Comment renvoyer, sans aucune espèce de secours, des malheureux à qui on était obligé de refuser la consolation dont le seul espoir leur avait fait braver tant de fatigues.

 

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Sacre de Charles X.

 

Le 30 mai, jour fixé pour la cérémonie des cordons bleus 2, on informa Sa Majesté de ce qui se passait à Saint-Marcoul. Son cœur toujours ouvert à la bienfaisance s'émut et, par ses ordres, une somme d'argent 3 fut remise à la sœur supérieure pour être distribuée aux plus nécessiteux. Ces secours donnés à propos séchèrent quelques larmes, mais, aux yeux de ceux qui les recevaient, c'était un bien faible dédommagement de ce qu'on leur refusait. Cependant toute incertitude allait cesser. Les efforts de ceux qui s'opposaient à cette cérémonie allaient devenir impuissants. Le Roi s'étant une fois occupé du sort de ces infortunés [f° 9 v°], dont peut-être on lui avait laissé ignorer l'arrivée à Reims, ne pouvait longtemps se refuser à leurs désirs et le triomphe de la religion devait être complet.

En vain les aumônes distribuées aux malades, qui s’étaient présentés d’abord, les avaient déterminés à se retirer. D’autres en plus grand nombre leur succédèrent bientôt. Les mêmes scènes accompagnées de détails encore plus affligeants se représentèrent. Monsieur Desgenettes, curé des Missions étrangères à Paris 4, témoin de ce triste spectacle et touché de la désolation des sœurs, se chargea de réclamer pour les scrofuleux l'appui de quelques personnes puissantes. Il s'adressa à son Éminence Monseigneur de Latil 5, cardinal et archevêque de Reims. Ce digne prélat réunit ses pressantes sollicitations à celles de Monsieur le Grand-Aumônier 6. Chacun d'eux peignit au roi le désespoir et la consternation de ces pauvres infirmes. Alors Sa Majesté fut convaincue qu'ils préféraient à toutes les consolations le bonheur de l'approcher et d'être touchés par elle. Sensiblement affectée de leur malheur et du désir qu’ils témoignaient, elle déclara que la cérémonie du toucher des scrofuleux se ferait à Saint-Marcoul le lendemain [f° 10 r°] 31 mai.

 

Ce bon prince se souvenait d'avoir vu son auguste frère dans le parc de Saint-Rémi, entouré de deux mille quatre cents scrofuleux, venus des différentes provinces du royaume et des États voisins. Il se souvenait de la tendre compassion qui, après les fatigues d'une cérémonie aussi longue et qu'il avait faite à jeun, détermina Louis XVI à toucher les cancéreux, placés à part pour les soustraire à ses regards, et à qui il voulut accorder la même faveur. Un si bel exemple donné par un frère si tendrement chéri ne devait pas être perdu.

 

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Louis XIV touchant les écrouelles.

 

Dès que Monsieur le Grand-Aumônier eut pris les ordres du Roi, il s’empressa de faire porter cette bonne nouvelle à l’hospice de Saint-Marcoul. Monsieur le Cardinal Archevêque de Reims, qui depuis longtemps connaissait les peines et les inquiétudes des sœurs, avait déjà envoyé les instructions nécessaires. Aussitôt on commença les préparatifs. La chapelle fut décorée avec soin. On apporta du Garde-Meuble de la Couronne, les tapis, fauteuils et pliants destinés au Roi et aux princes de la famille royale. On défendit d’admettre le lendemain dans la maison aucun étranger. La sœur supérieure fut invitée à [f° 10 v°] enregistrer les infirmes qui se présenteraient. Alors les sœurs purent se livrer à la joie, mais ce ne fut pas sans un mélange de tristesse, en considérant le nombre des   malades éloignés par les ordres reçus précédemment et qui se trouvaient privés d'une faveur, à    laquelle leur piété et leur confiance en cette cérémonie semblaient leur donner tant de droits.

Le mardi, dès le matin, tout était debout dans la maison malgré les fatigues excessives des jours précédents. Les sœurs trouvèrent dans leur zèle des forces nouvelles. Les malades furent visités par Monsieur Noël 7, docteur médecin attaché à l'hospice, en présence de la sœur supérieure, qui toujours assiste à cette visite. Bientôt Monsieur Dupuytren 8, premier chirurgien du roi, vint s'adjoindre à eux. Le but de cet examen étant de ne présenter au toucher que des personnes réellement atteintes d'écrouelles. Il se fit très rigoureusement.

 

Le 31 mai 1828, à dix heures, le roi partit à cheval de son palais, revêtu de l’uniforme d’officier général, accompagné de Monsieur le Dauphin 9, des princes de la famille royale 10 et des officiers de sa maison. Arrivé à Saint-Marcoul, il descendit de [f° 11 r°] cheval à la porte principale. Là, il était attendu par la communauté et Monsieur l'aumônier de la maison qui s'y était rendu avec ses acolytes portant la croix, l'encens, les chandeliers et l'eau bénite. Monsieur le chapelain présenta l'aspersoir à Monsieur l'Aumônier de quartier, des mains duquel le reçut Monsieur le prince de Croy, Grand-Aumônier, pour donner l’eau bénite à Sa Majesté. On s'achemina ensuite processionnellement vers la chapelle. On traversa la première cour, la salle Sainte-Agnès et le jardin au milieu des acclamations et des cris de « vive le Roi », qui retentissaient jusque dans les rues adjacentes. La foule accourue sur le passage du Roi, répondait à ces cris par de nouvelles acclamations : nulle part l'enthousiasme ne fut plus vif. Le roi parut satisfait de l'ordre et de la propreté de la maison. Au sortir du jardin, il trouva son passage orné de tapis que les sœurs y avaient fait placer. Des ordres avaient été donnés pour faire au nom du Roi une neuvaine à saint Marcoul 11 : deux chapelains de Sa Majesté l’avaient commencée le matin par la célébration des Saints Mystères.

 

À l’entrée de la chapelle, l’eau bénite fut de nouveau présentée avec les cérémonies qui s’étaient observées à la porte de la rue. [f° 11 v°] Le Roi s'étant rendu au  prie-Dieu qui lui avait été préparé, s'agenouilla et fit sa prière. Pendant ce temps, le chœur chanta le psaume Exaudiat, l'oraison pour le Roi 12, l'antienne au saint patron, la strophe O vere digna hostia. Ensuite Monsieur Delaumois, aumônier de la maison, donna la bénédiction du Très-Saint-Sacrement. Leurs Altesses Royales, Madame la Dauphine 13 et Madame, Duchesse de Berry 14, arrivèrent pendant qu'on chantait le psaume Laudate Dominum omnes gentes. L'empressement pour voir le Roi avait été tel, que leurs voitures furent obligées de s'arrêter pour donner à la foule le temps de s’écouler ; ce qui se fit fort lentement, les citoyens, avides de voir les princesses, se pressaient autour d'elles et témoignaient leur amour par les cris mille fois répétés : « Vive le roi, vivent les Bourbons ! »

 

Après avoir demandé à Dieu, par l’intercession de saint Marcoul, la guérison des malades qu’il était venu toucher, le Roi dans le plus profond recueillement et fortement pénétré de l’importante cérémonie dont il allait être le ministre, retourna à Sainte-Agnès et y trouva réunis et rangés environ cent trente malades de la maison ou du dehors: faible reste de [f° 12 r°] ce nombre considérable d'infirmes, qui, dans les jours précédents, s'étaient empressés à  venir chercher près de leur Roi la guérison de leurs maux ou au moins les douces consolations de l'espérance.

Le Roi toucha les malades et prononça la formule: « Dieu te guérisse, le Roi te touche.» Il adressa même à quelques-uns des paroles pleines de cette bonté qui lui est si naturelle. Voyant une femme privée depuis longtemps de l’usage de ses jambes faire des efforts impuissants pour s’approcher : « Attendez, lui dit-il, bonne mère, j’irai à vous. » Un jeune homme portait son bras en écharpe, il lui demanda s'il avait été blessé dans quelque bataille. La vue d'un enfant dont les plaies sont placées à la tête, lui arracha cette exclamation : « Ses souffrances doivent être cruelles ! » On voyait que son cœur était profondément ému du spectacle de tant de malheureux.

 

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Nous avons dit que le roi avait touché les malades et prononcé la formule, parce que des spectateurs peu attentifs ont paru en douter et que, sur ce témoignage équivoque, d’autres ont assuré qu’il ne l’avait pas fait. Il y a bien de la légèreté dans cette assertion. Le Roi était venu toucher les scrofuleux, suivant l’usage de ses prédécesseurs ; il est impossible de [f° 12 v°] croire qu'il n'a pas accompli religieusement ce qui est prescrit par le cérémonial. Les sœurs placées près des malades et qui portaient à cette action du Roi un si vif intérêt ont parfaitement entendu la formule, et dans leur cœur elles bénissaient notre auguste monarque, qui touchait avec une si bienveillante compassion des infirmes, qui excitent quelquefois en elles une répugnance involontaire.

 

Pendant cette cérémonie, son Altesse Royale Madame la Dauphine avait eu la bonté d’adresser la parole à l’une des sœurs, s’informant à elle du nombre des malades, de celui des sœurs, de l’ordre auquel elles appartiennent, des maisons du même ordre en France. Pendant qu’elle satisfait à ces questions on prévient cette sœur qu’elle avait l’honneur de parler à Madame la Dauphine. « Madame la Dauphine ! », reprit-elle tout étonnée, en s'adressant à la personne qui lui donnait cet avis ; « Oui », dit la princesse avec la plus grande affabilité, puis elle continua ses questions sur divers objets. Enhardie par cette bienveillance, sœur N. pria son Altesse Royale de vouloir bien lui faire connaître les grands personnages qui accompagnaient le Roi. La princesse les lui désigna successivement. Frappée de cet air [f °13 r°] de grandeur et de bonté qui s'allient si bien dans la personne de Charles X, sœur N. s'écria « Madame que notre auguste monarque est bon – Oui, ma sœur, répondit la princesse, il est bien bon, sa visite attirera sur votre maison les bénédictions du Ciel. » Sœur N. lui exprima le regret de ne pas voir les enfants de France 15 « Leur âge n’a pas permis de les amener. » Puis faisant l'éloge de leur amabilité et de leur gentillesse, elle se tourna vers une personne placée à côté d'elle, en ajoutant : « Voilà leur Mère. – La mère de notre espérance », dit la sœur. Madame la duchesse de Berry parut accueillir ce petit mot fort affectueusement : elle dit qu'elle avait reçu de sa fille une lettre à l'occasion de sa fête, sainte Clotilde. Elle se disposait même à la montrer, mais elle en fut distraite par ce qui se passait. Sœur N. remarquant que Monsieur le Dauphin était le seul que Madame la Dauphine ne lui eut pas montré, témoigna le désir de le voir. « Le voilà, répondit-elle d'un ton plein d'amitié pour son auguste époux, Monsieur le duc d’Orléans est à côté de lui. »

 

Pendant le toucher des malades, Monsieur Delaunois précédait immédiatement Sa Majesté, et les lui présentait. Il a aussi bien [f° 13 v.] entendu la formule que le Roi prononçait à demi-voix, fort distinctement. Le témoignage de ce respectable ecclésiastique suffirait seul pour détruire toute assertion contraire, nous n'insisterons pas davantage sur cette circonstance, le fait est suffisamment éclairci pour ceux qui cherchent la vérité de bonne foi.

 

La cérémonie du toucher des malades étant finie, Monsieur Delaunois, s'adressant à Sa Majesté, prit la liberté de lui observer que les sœurs étant toujours avec les scrofuleux, se trouvaient constamment exposées à ce mal contagieux, qu'elles croyaient que le toucher du Roi pouvait les en préserver et que ses prédécesseurs leur avaient toujours accordé la même grâce. « Qu’elles s'avancent» dit le Roi : en même temps Monsieur l'aumônier les invita par ses gestes à s'approcher. Ici s'éleva une légère discussion. Monsieur le Dauphin qui n'avait entendu ni la demande de Monsieur  Delaunois, ni la réponse favorable de Sa Majesté, prenant la parole: « Les sœurs, dit-il, ne sont pas atteintes d'écrouelles. – Monseigneur elles regardent cette faveur comme un préservatif. – Ce n'est pas l'usage. – Monseigneur notre cérémonial prouve le contraire. – Où est-il ? – Monseigneur nous l'avons fait passer à Monsieur le Grand-Aumônier. » On [f° 14 r.] interroge son éminence. « Je n'ai pu lire le livre tout entier. » Cette réponse n'éclaircissait pas la question. Mais le Roi sut trouver dans son cœur le moyen de trancher la difficulté, il posa sa main sur celles de l'une des sœurs. Celle-ci crut deviner l'intention du Roi, emportée par son amour et n'écoutant que les mouvements de son cœur, baisa la main qu'il avait eu la bonté de lui présenter, puis se relevant: « Approchez, mes sœurs, Sa Majesté vous permet de lui baiser la main. » Toutes furent admises au même honneur. Le roi mit le comble à leur satisfaction en disant : « Je vous remercie, mes sœurs, vous avez bien soin de mes pauvres. »

 

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Le pouvoir thaumaturgique des rois de France découlant du sacre de Clovis.

 

Peu après le roi quitta l’hospice et alla implorer sur son peuple et sur lui-même la protection de l’apôtre des Français 16. Il laissa les sœurs et les spectateurs pénétrés de la plus vive reconnaissance. Plus les infirmes avaient craint d'être privés du bonheur qu’il venait de leur procurer plus ils sentirent la grandeur du bienfait, non seulement Sa Majesté les avait recommandés à saint Marcoul et les avait touchés, mais encore elle avait fait remettre à chacun d'eux des marques de sa libéralité. Sa présence avait contenu les élans [f° 14 v.] de la joie, mais, à son départ, elle éclata par les mêmes témoignages d'amour qui l'avaient accueillie à son arrivée.

 

La maison présenta alors un spectacle bien différent de celui des jours précédents, aux gémissements et aux plaintes, succédèrent la consolation et l’espérance. Bientôt ce que l’opulence a de plus somptueux remplaça les    livrées de la misère. Les personnes les plus qualifiées de la cour venaient, dans l’asile des pauvres, féliciter les sœurs et se réjouir avec elles de la victoire remportée sur la philosophie et l’indifférence. Des étrangers de tout âge, de tout sexe et de toutes conditions, s’empressaient à visiter les lieux où le Roi venait de donner un si grand exemple de charité et une preuve de son respect pour la religion et pour les usages du royaume très chrétien. Tous allaient adresser leurs vœux à saint Marcoul, unir leurs prières à celles de notre bon Roi ; demander à Dieu de renouveler pour les enfants les merveilles qu’il avait opérées pour les pères et dont ceux-ci leur ont transmis le glorieux souvenir. Animés par ces exemples de piété que donnent tous les jours le roi et son auguste famille, pleins du désir de voir la religion refleurir, ils disaient avec le Roi-prophète : « Seigneur, nous [f° 15 r.] avons entendu de nos oreilles, et nos pères nous ont annoncé l’ouvrage que vous avez fait dans leurs jours et dans les jours anciens, levez-vous, Seigneur, secourez-nous pour la gloire de votre Nom. » Parmi les personnes qui vinrent offrir leurs hommages au bienheureux patron de l’hospice, on distingua deux jeunes gardes du corps qui édifièrent toute la maison par leur piété et la sagesse de leurs discours.

 

Deux chapelains, ainsi que nous l’avons dit, avaient commencé une neuvaine le jour même du toucher des malades : ils la continuèrent après le départ du roi pour la capitale. Tous les malades de la maison y prirent part. Monsieur l’aumônier les disposa à s’approcher des sacrements. Le dernier jour il y eut communion générale. On chanta un Te Deum en action de grâces. Les pauvres de la maison firent entre eux une collecte et déposèrent entre les mains de la sœur supérieure cette portion de leurs épargnes, la suppliant de faire dire des messes pour la conservation du Roi et la prospérité de son royaume.

 

Tel a été l’ordre de cette cérémonie, dont quelques détails ont pu nous échapper n’ayant voulu consigner dans ce récit que ce qui avait été vu et entendu par les sœurs et par Monsieur Delaumois leur aumônier.

 

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Henri IV touchant les écrouelles.

 

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1 Ces procès-verbaux étaient en assez grand nombre avant la Révolution. Nos sœurs anciennes nous en ont parlé souvent et en regrettaient amèrement la perte. Pendant les orages révolutionnaires, les sœurs, qui composaient alors la communauté, ayant refusé le serment de la Constitution Civile du Clergé, furent emmenées de l'hospice pour être renfermées au séminaire devenu maison de détention. C'est alors que beaucoup d'objets précieux disparurent et, entre autres, ces certificats qu'on avait jusqu'alors soigneusement conservés. Parmi celles qui avaient eu le bonheur de souffrir pour le nom de Jésus-Christ, nous avons connu les sœurs Henri, Madeleine, Leroi, Catherine et Duru. Ces deux dernières furent nos supérieures ; c'est à elles que nous devons le bonheur d’avoir été admises au service des pauvres. Ce sont leurs sages conseils et leurs exemples qui ont guidé mes premiers pas dans cette voie difficile. Le souvenir de leurs vertus sera toujours présent à notre mémoire.

2 Dans l'après-midi eut lieu à la cathédrale la cérémonie de réception des chevaliers dans l'Ordre du Saint-Esprit. Le soir, selon l'usage, le roi tint un chapitre de l'Ordre où furent nommés vingt et un chevaliers commandeurs ou cordons bleus.

3 1000 francs.

4 Monsieur Desgenettes fut pendant le sacre logé à Saint-Marcoul. Ce respectable ecclésiastique a des droits à la reconnaissance de toute la communauté qui se fait un devoir de la consigner dans ce récit. Ses pieuses exhortations raffermissaient le courage de toutes les [f° 16 r.] sœurs au milieu des contradictions qu'elles eurent à éprouver. Il fut dans ces circonstances pénibles leur appui et leur consolation. Depuis il a mis le comble à toutes ses bontés, en envoyant à la communauté une collection précieuse de croix en cristal, qu'elle conservera comme un souvenir des vertus et du zèle dont il lui a donné l'exemple.

5 Jean-Baptiste-Marie-Anne-Antoine, duc le Latil (1761-1839), aumônier du comte d'Artois en exil, évêque de Chartres en 1821, puis archevêque de Reims en 1824, enfin cardinal en 1826.

6 Gustave-Maximilien-Juste, prince de Croy-Solre (1773-1844), évêque de Strasbourg en 1817, grand aumônier de France en 1821, transféré à l'archevêché de Rouen en 1823 et créé cardinal au consistoire du 21 mars 1825.

7 Nicolas Noël (1746-1832), chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Reims.

8 Guillaume Dupuytren (1777-1835), nommé premier chirurgien par Charles X en 1824.

9 Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême (1775-1844), dauphin de Viennois à la mort de Louis XVIII en 1824 et futur Roi Louis XIX (1836-1844).

10 Louis-Philippe, duc d'Orléans (1773-1850), et Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon, prince de Condé (1756-1830).

11 Comme aux sacres précédents, Charles X fit dire une neuvaine à saint Marcoul. C'est l'abbé de Pontevez, aumônier par quartier, assisté d'un autre chapelain du Roi, qui en fut chargé.

12  Le Domine salvum fac regem.

13 Marie-Thérèse-Charlotte de France, Madame royale (1778-1851), fille de Louis XVI.

14 Marie-Caroline-Ferdinande-Louis, princesse de Deux-Siciles (1798-1870), fille de François Ier de Bourbon, Roi des Deux-Siciles, épouse de Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Berry (1778-1820), second fils de Charles X.

15 Louise-Marie-Thérèse d'Artois (1819-1864), future régente de Parme, et Henri-Charles-Ferdinand-Marie-Dieudonné d'Artois, duc de Bordeaux (1820-1883), et futur Henri V (1844-1883).

16 Après avoir quitté l'hospice, Charles X se rendit à la basilique Saint-Remi afin d'y vénérer les reliques du saint.

 

 

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Grande Entrée de Charles X à Paris au retour du sacre.

 

A  N  N  E  X  E

 

PROCÈS-VERBAUX

 

Nous soussignées Françoise Menu, dite en religion sœur Marie, supérieure des sœurs hospitalières de l’hôpital de Saint-Marcoul, et Marie Antoinette Lecareux, dite sœur Rosalie, assistante et économe, après avoir consulté celles de nos sœurs chargées spécialement du pansement des malades guéris par la suite du toucher de Sa    Majesté Charles dix, et avoir nous-mêmes visité de nouveau ces malades, de la guérison desquels nous nous étions assurées différentes fois depuis cette heureuse époque, certifions,

 

  1. Que le nommé Jean-Baptiste Camus, âgé de cinq ans et demi, admis à l’hospice le huit avril mil huit cent vingt- trois, à l’âge de trois ans, nous avait été avant son admission souvent apporté par sa mère pour recevoir les conseils et les remèdes propres à la guérison d’une humeur scrofuleuse qui s’était manifestée peu de jours après sa naissance, que malgré les soins qui lui ont été donnés avant et depuis son admission, quatre plaies qu’il avait au bras peu de jours avant le toucher de Sa Majesté semblaient faire craindre un accroissement à son mal; qu’aussitôt après  elles donnèrent des espérances de guérison qui se trouvèrent bientôt confirmées. Nous croyons devoir ajouter que voulant laisser exister un cautère au même bras, établi depuis dix-huit mois, nous fûmes forcées de la discontinuer attendu la guérison du cautère et des plaies scrofuleuses.

 

2. Que Marie Clarisse Faucheron, âgée de douze ans, admise le vingt-trois novembre mil huit cent vingt-quatre, ayant une plaie scrofuleuse à la joue depuis l’âge de cinq ans, a été parfaitement guérie dans la quinzaine qui a suivi le toucher.

 

  1. Que Suzanne Grevisseaux, âgée de onze ans, admise le dix novembre mil huit cent vingt-quatre, dès l’âge de deux ans nous fut présentée par sa mère, et depuis à différentes époques, pour recevoir des médicaments, que lors de son entrée à la maison elle avait autour du col et à la partie supérieure de la poitrine cinq plaies, qui s’étaient fermées peu de temps avant le toucher du roi, mais avaient été remplies par des tumeurs scrofuleuses qui nous laissaient la crainte de les voir se rouvrir, qu’aujourd’hui, il n’existe ni plaies ni humeurs et que la guérison est parfaite
  2. Marie Élisabeth Colin, âgée de neuf ans, entrée le quatorze octobre mil huit cent vingt-trois, attaquée d’une humeur scrofuleuse autour du col avait, avant le toucher du Roi, plusieurs plaies qui sont parfaitement guéries.
  3. Que Marie Anne Mathieu, âgée de quinze ans, admise le vingt-six juin mil huit cent vingt et un, est parfaitement guérie de tumeurs scrofuleuses qui étaient fort considérables à l’époque du sacre, que l’engorgement a sensiblement diminué après le toucher du Roi, qu’il n’existe plus en ce moment et qu’elle est en outre parfaitement guérie d’une plaie aussi fort considérable au côté gauche du col.

 

Nous certifions en outre que l’état actuel de ces malades guéris peu de temps après le toucher de Sa Majesté ne nous laisse pas la crainte que le mal ait quitté la place qu’il occupait pour partie du corps, en foi de quoi nous avons dressé la présente attestation dont nous avons différé jusqu’à ce jour la rédaction afin de mieux constater les guérisons.

 

Le présent procès-verbal a été lu à notre communauté, et adopté à l’unanimité, elle a ensuite décidé qu’il en serait fait une double expédition dont l’une serait adressée à Monseigneur de Latil, archevêque de Rheims, la seconde à Monseigneur le cardinal Grand Aumônier, et l’original déposé aux archives de la maison et ont deux sœurs signé avec nous au nom de la communauté.

 

Rheims, ce huit octobre mil huit cent vingt-cinq.

Sœur Marie, supérieure,

Sœur Rosalie, assistante économe,

Sœur Célinie,

Sœur Agathe.

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Je soussigné prêtre, chanoine honoraire de l’église métropolitaine de Rheims, chapelain de l’hôpital de Saint-Marcoul de ladite ville, certifie que la déclaration faite et exprimée ci-dessus par nos chères sœurs supérieure, économe et autres, hospitalières composant la communauté des sœurs hospitalières de saint-Marcoul, est conforme à la plus exacte vérité; que j’ai moi-même examiné et reconnu les plaies guéries et cicatrisées des individus désignés dans leur dite déclaration ou procès-verbal, et que lesdits individus sont du nombre de ceux dudit hôpital que j’eus l’honneur de présenter successivement à Sa Majesté Charles dix, lorsqu’elle voulut bien leur accorder la grâce d’être touchés de sa main royale le lendemain de son sacre.

 

Rheims ce huit octobre mil huit cent vingt-cinq. Delaumois, chan. hon. chap. de saint-Marcoul.

 

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Je soussigné docteur chirurgien et médecin de l’hospice de scrofuleux (depuis 56 ans), certifie avoir scrupuleusement examiné les plaies de cinq dénommés ci-dessus, avant leur entrée à l’hospice, et avoir reconnu et constaté par un certificat nécessaire pour leur admission, qu’elles étaient indubitablement toutes de nature scrofuleuse. Je certifie de plus que les plaies de chacun de ces cinq individus sont depuis deux et trois mois, guéries ; et qu’il n’a été employé pour leur guérison que le traitement habituellement en usage. J’atteste en outre qu’ils ont tous été touchés par Sa Majesté Charles dix que j’ai accompagnée et suivie de très près depuis le premier attouchement jusqu’au dernier.

 

Rheims ce 8 septembre 1825

 

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06/03/2017
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