Sermon du samedi 27 mai 2017 (Pèlerinage de la Confrérie Royale au Puy)
SERMON DU SAMEDI 27 MAI 2017
par M. le grand-prieur de la Confrérie Royale
à la Messe votive du Coeur Immaculé de Marie
célébrée en la cathédrale-basilique du Puy
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Ecclésiastiques,
Monsieur le Président,
Chers Fidèles,
En ce centenaire des apparitions de l’auguste Mère de Dieu à Fatima au Portugal du 13 mai au 13 octobre 1917, notre pèlerinage pro Rege et Francia prend une dimension toute spéciale.
Si Fatima nous fait automatiquement penser à la Russie, il devrait également nous faire penser à la France. Car de quoi la Révolution bolchévique de 1917 est-elle la conséquence, si ce n’est de la Révolution de 1789, dont elle se réclame, comme d’ailleurs tous les totalitarismes du XXe siècle ? Et de quel événement la Révolution de 1789 est-elle elle-même la conséquence, si ce n’est – en partie, et quand on ouvre les yeux surnaturels – de l’absence de réponse à la demande, le 17 juin 1689, du Sacré-Cœur de Jésus à sainte Marguerite-Marie, de voir « le Fils aîné de Son Sacré-Cœur » lui consacrer sa personne, sa famille, ses armées et son Royaume ?
Certes, les péchés s’étaient accumulés pendant tout le XVIIIe s., appelant la colère du Ciel. Et de même qu’en Adam, nous péchâmes tous, de même lorsque Lucifer cria son « non serviam » à la Face du Très-Haut, des myriades d’anges le suivirent-elles dans la révolte. Aussi la responsabilité d’un prince ne dédouane pas les autres de leur propre responsabilité dans le cours des événements. Et la conférence que nous avons eue ce matin avait pour but de nous garder de l’écueil du providentialisme et du millénarisme. Mais à l’école du cardinal Pie, ne sombrons pas non plus dans celui du naturalisme, qui voudrait faire abstraction des messages du Ciel dûment approuvés par l’autorité ecclésiastique compétente, d’autant plus quand il s’agit d’événements contemporains en relation directe avec les avertissements maternels, et qui sont, c’est le moins que l’on puisse dire, d’une actualité… brûlante.
Avec Jehanne, notre Patronne, sachons, en bons Catholiques, demeurer toujours dans le saint équilibre !
Le mercredi 17 juin 1789, donc, lorsque, par un coup d’éclat se voulant un coup d’État, des députés non mandatés pour cela se déclarèrent Assemblée nationale, s'arrogeant de fixer par écrit dans une Constitution écrite les futures règles de gouvernement et les attributions de chacun (roi, ministres, députés...) – ce qui contenait en germe toute la Révolution, alors que l’Église interdit de renverser l’autorité légitime – aucun ecclésiastique sans doute ne prêcha à la Messe du jour, ni les suivants, sur l’anniversaire important, le centenaire des apparitions de Paray. Et pourtant le prédicateur qui l’eût fait eût visé très juste, ce qui nous semble une évidence à deux siècles de distance.
Beaucoup de nos compatriotes diront peut-être que le rapport entre le message de Fatima et le roi de France n’est qu’indirect et bien lointain, ou de motif trop surnaturel… Nous n’aurons pas de mal à leur répondre de se pencher sérieusement sur les événements de Fatima, et ils ne tarderont pas à remarquer que le roi de France en question y a toute sa place.
Vous le savez sans doute, après le 13 octobre 1917, la Très Sainte Vierge Marie a continué de se manifester à Lucie devenue religieuse ; elle lui apparaissait même parfois avec Notre-Seigneur. En 1931, voici que le Ciel se plaignit d’un geste non accompli. En août, en effet, lors d'un séjour de convalescence à Rianjo, une petite ville proche de Pontevedra, Notre-Seigneur dit à Sœur Lucie: « Ils n'ont pas voulu écouter ma demande. Comme le roi de France, ils s'en repentiront, et ils le feront, mais ce sera tard. La Russie aura déjà répandu ses erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l'Église : le Saint-Père aura beaucoup à souffrir ».
Pourquoi Notre-Seigneur rappelle-t-il une omission 242 ans après ? Ne pouvait-Il à la limite prendre pour exemple un événement plus récent et concret, plus… « terre à terre » ? C’est que Dieu y voit là un événement majeur, ou au contraire un non-événement majeur, un manque coupable de réponse à la grâce divine. Et l’objet de notre Confrérie est bien de prier pour la fidélité du Prince aux grâces de sa mission en tant que vase d’élection.
Où a-t-il déjà été donné à un mortel d’être appelé, non seulement « Fils aîné de l’Église » – et par les Souverains Pontifes eux-mêmes – ce qui est déjà magnifique, mais « Fils aîné du Sacré-Cœur » ? Dans toute la majesté de sa sublime élévation, aucun Pontife Romain n’eut jamais un tel honneur !
Or, la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus est l’incarnation-même du dogme de la royauté sociale du Christ. Aussi le manquement à la dévotion au Sacré-Cœur est-elle justement associée à un chamboulement de l’ordre social chrétien, dont le Très-Chrétien était par antonomase le représentant-né : l’Europe hébétée en fut le témoin.
Mais cet acte manqué de 1689, le Ciel ne s’en est visiblement pas fait une raison : le Seigneur attend toujours que le roi de France lui consacre son Royaume, puisqu’il concède une consécration tardive, celle de Louis XVI au Temple, mais alors qu’il était prisonnier. Et la Confrérie Royale porte cette intention au cœur-même de ses prières de chaque instant. Aussi bénirai-je après le sermon un monument de notre piété, gravant ainsi, non dans le marbre mais dans la fonte, une date au combien historique pour nous, signe des prédilections divines pour un homme, et de l’espérance qu’il donne à tout un royaume pour une prochaine consécration.
Car l’intention que nous portons aujourd’hui est bien au cœur du message de Notre-Dame, mais de manière plus discrète que la consécration de la Russie.
Si le Pape en effet ne consacre pas la Russie au Cœur Immaculé de Marie, n’est-il pas à craindre que Dieu ne frappe Son Église du même châtiment qu'il réserva en 1789 à la monarchie française ? Et qu’en laissant frapper le pasteur, les brebis ne se dispersent ?
Toutefois, après avoir répandu ses erreurs et ses crimes dans le monde entier, la Russie, comble de l’ironie, a, cent ans plus tard, bien changé. Sans brosser un portrait idyllique, ses églises se reconstruisent au rythme d’un millier par an (et jusqu’à Paris !), elle fut en première ligne pour la défense de la famille et des valeurs chrétiennes, et même dans la défense du Saint-Père outragé, en la si mouvementée Année du Sacerdoce ! Cela nous ne l’oublions pas. Notre cœur est également réconforté de voir cette année la Russie honorer officiellement saint Louis ; il l’est d’autant plus que son descendant y fut lui-même invité et daigna s’y rendre. Le terreau semble donc prêt : comme la sainte Mère de Dieu à Cana, hâtons les choses par nos prières opportunes !
Dans les années 1960, le successeur légitime des rois de France ajouta au sommet de ses armoiries le Cœur Immaculé de Marie contenant en son sein le Cœur Très-Sacré de Jésus, rayonnant tous deux de gloire. Les deux Cœurs sont irrémédiablement liés, et saint Jean Eudes ne parlait d’ailleurs que d’un même Cœur de Jésus et Marie.
Que demandait le Christ à Son Fils aîné ?
-Mettre Son Sacré Cœur sur les armes du roi et les étendards de la France >C’est fait !
-Lui élever une Église nationale > C’est fait, à Montmartre, par des souscriptions de la France entière, c’est la basilique du Vœu national. Et la dauphin Louis avait érigé un autel à la chapelle de Versailles.
-Que dans cette Église la France Lui soit solennellement consacrée par son souverain > C’est notre programme !
En tant que modestes représentants des peuples de France, nous nous permettons, ô Cœur sacré de Jésus et de Marie, de Vous consacrer dès maintenant notre Prince bien-aimé. Nous vous le présentons et confions, mais de grâce, « sauvez-le, et exaucez-nous en ce jour où nous Vous invoquons ».
Toutefois, afin de ne pas verser dans un mysticisme de mauvais aloi, n’attendons pas, benoîtement, tout des actes du Prince et du Pape, comme s’ils étaient les seuls intéressés : ils sont les premiers intéressés, mais pas les seuls : soyons, nous aussi déjà, fidèles à l’humble devoir d’état quotidien, demande essentielle de Notre-Dame, tant à Fatima qu’à Pellevoisin par exemple, où elle confiait à Estelle : « Si tu veux me servir, sois simple et que tes actions répondent à tes paroles » ; « Tu n’as pas perdu ton temps aujourd’hui ; tu as travaillé pour moi » (11 nov. 1876) ainsi, « Je serai invisiblement près de toi » (8 déc. 1876). Soyons courageux pour les sacrifices surérogatoires demandés par le Ciel, et auxquels se consacrèrent saint François et sainte Jacinthe le peu de temps qu’il leur resta à vivre. Et contrairement à ce que croit et enseigne le monde, ces deux pastoureaux ont sans doute eu une vie plus réussie que ceux qui brillent trop pour s’éteindre ensuite rapidement.
Notre-Dame – qui affirme « Je choisis les petits et les faibles pour ma gloire » (5 nov. 1876) – a besoin de nous, pour la faire connaître (« Publie ma gloire » disait-elle déjà à Estelle) ainsi que pour publier son message : prier pour la conversion des pécheurs qui sinon se damneront. « Voulez-vous vous offrir à Dieu pour prendre sur vous toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en réparation des péchés par lesquels il est offensé, et en intercession pour la conversion des pécheurs ? » (Mémoires de Sœur Lucie, I, p.162). Tel est l’objet de la dévotion des premiers samedis des mois. Et « ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle » (Eccli. XXIV, 31), était-dit dans l’épître.
La Confrérie royale, qui veut avoir une grande dévotion pour le Cœur Immaculé de Marie, auquel elle s’est consacrée en cette même cité l’an passé, a toutefois un objet moins étendu, plus spécifié : dans cette prière pour le prochain, elle consacre la sienne à la restauration en France de l’ordre social chrétien tel que voulu par Dieu, conscient que « de la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes » (Pie XII : Discours du 1er juin 1941).
Pour cela, nous prions pour la sanctification du Prince successeur de saint Louis, pour qu’il soit docile et fidèle aux grâces d’état qu’il reçoit immanquablement. Car nous ne demandons pas seulement un roi, mais un roi selon le Cœur de Dieu, le Cœur de Jésus, et donc de manière indissociable le Cœur de Marie.
Ou plutôt, nous ne le demandons pas, puisque les Lois fondamentales de France le désignent déjà. Nous prions pour sa manifestation, pour son élévation, et pour le plus sublime des sacramentaux de la Sainte Église, qui nécessite non seulement un Évêque comme célébrant mais sept autres comme assistants : je parle bien évidemment du Sacre, qu’en octobre dernier le prince appelait « la colonne vertébrale de la royauté ». Serait-ce insensé et trop demander, dans une basilique consacrée par les saints anges eux-mêmes ?!
Tout à l’heure, à l’Offertoire si bien nommé, nous recevrons de nouveaux Vœux de consécration à la Couronne de France ; l’oraison de la Messe m’a d’ailleurs fait dire tout à l’heure : « Ô Dieu tout-puissant et éternel : faites que notre volonté vous soit toujours dévouée ; et que nous servions votre Majesté d’un cœur sincère » (collecte du dim. dans l’octave de l’Ascension).
Ô Notre-Dame, daignez accepter aujourd’hui, en ce sanctuaire où vous trônez comme Reine de France, l’hommage d’humbles fils du saint Royaume de France. D’un cœur magnanime et audacieux, permettez-nous de vous réserver, de vous offrir, de vous consacrer par ce pèlerinage et par cette Messe, à l’occasion du centenaire de votre manifestation capitale à Fatima : le prince Louis, aîné des fils de saint Louis et successeur de nos illustres monarques, tête du Corps du Royaume de France.
Et puisque du bienheureux Urbain II au Saint-Père actuel, en passant par Pie XI, les papes ont toujours reconnu qu’il était votre royaume, agréez en ce jour, Notre-Dame de France, le Roi Très-Chrétien, Fils aîné de l’Église et du Sacré-Cœur, comme Fils aîné de votre Cœur Immaculé, afin qu’il soit le premier chevalier de son triomphe promis et espéré.
« Pour être roi d’une cité, Jésus-Christ, en effet, selon le P. Calmel,demande d’abord la fidélité au droit naturel pris dans son ensemble et non pas seulement un hommage public aux ministres de sa religion et aux Sacrements de son Corps et de son Sang » (P. R-Th. Calmel o.p., op cit. p. 143).
Et puisqu’à Sœur Lucie, vous laissâtes entendre que le grand combat final, entre le serpent et vous, qui lui écrasez la tête, serait celui de la Famille, prenez également sous votre protection et patronage l’auguste Famille Royale :
–S.M. la Reine, Marie-Marguerite, qui a pour mission de vous représenter sur cette terre de France, et qui après vous, en est la seule première Dame et Souveraine ;
–et les Enfants de France :
–Madame, la princesse Eugénie de France, en son 10e anniversaire ;
–Mgr le Dauphin, Louis, et Mgr le duc de Berry, Alphonse,
nos Princes jumeaux, qui accompliront demain leurs sept années.
Associons-y toute l’auguste Maison de France (dont le nom est déjà tout un symbole et programme…), puisque nous naissent régulièrement de nouveaux princes du sang. A l’exemple de sainte Jeanne d’Arc, prions pour leur sanctification, et leur fidélité aux principes qui « constituent » la France.
Que la tête des familles de France ainsi confiée à un si puissant patronage, toutes nos familles puissent réaliser ici-bas leur mission, dans l’imitation des vertus de la Sainte Famille de Nazareth, dans un ordre social chrétien restauré, dans une Cité catholique recouvrée, dans une Chrétienté renaissante. Comme le disait le Pasteur angélique, sacré évêque par Benoît XV à Rome, chose inouïe, alors même que la Sainte Mère de Dieu apparaissait au Portugal, « c’est tout un monde qu’il faut refaire depuis les fondations ; de sauvage, il faut le rendre humain ; d’humain, le rendre divin, c’est-à-dire selon le Cœur de Dieu » (Discours du 11 février 1952). Et comme le disait Louis XIII le Juste, comme nous l’avons lu avant-hier : « Les bonnes familles sont la condition nécessaire et suffisante d'un bon Royaume ». Voilà donc où le Christ Roi doit régner en premier, ainsi que Son Lieutenant.
Puisque nous avons traité hier du Corps mystique de la France, et en application du message de notre Mère à Fatima, permettez-moi de citer derechef l’auteur de la belle encyclique sur le Corps mystique du Christ, l’Église, Mystici Corporis (1943), à savoir le vénérable Pie XII – et il vous suffira de transposer à ce que les Pontifes romains ont toujours appelé le second pouvoir sur terre, à savoir le temporel : « Mystère redoutable, certes, et qu'on ne méditera jamais assez : le salut d'un grand nombre d'âmes dépend des prières et des mortifications volontaires, supportées à cette fin, des membres du Corps mystique de Jésus-Christ et du travail de collaboration que les Pasteurs et les fidèles, spécialement les pères et mères de famille, doivent apporter à notre divin Sauveur ».
Dans le Corps mystique de la France, la Confrérie Royale n’a pas d’autre mission que de demander « des prières et des mortifications volontaires, supportées à cette fin, des membres du Corps mystique » du Royaume, « spécialement les pères et mères de famille », pour la Couronne (notre famille) et le père des pères de famille, le chef des chefs de famille, bien conscients que par cet ordre voulu par Dieu et miraculeusement confirmé tout au long de notre histoire sainte, le plus possible de nos frères, de fils de France, trouveront facilitée la voie du Ciel, comme saint Grégoire le Grand le donnait en programme aux empereurs : « Le pouvoir a été donné d’en haut à mes seigneurs sur tous les hommes, pour aider ceux qui veulent faire le bien, pour ouvrir plus largement la voie qui mène au ciel, pour que le royaume terrestre soit au service du royaume des cieux » (Lettre à l’empereur Maurice et à son fils Théodore – Regis. III. 61), ce qu’appliqua Louis XIII en son mémorable Vœu (je cite) : « Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre Royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre Couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis, qu’[…] il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire ». Voilà notre Vœu, et la raison de notre présence à vos pieds.
Comme le précisait le P. Calmel, op : « C’est par amour des pauvres, c’est parce que les pauvres sont les premières victimes dans un monde où les autorités sociales, comme disait Le Play, sont étrangères à la religion chrétienne, c’est pour cela que la sainte Église s’adresse aux grandeurs terrestres pour les convertir, les rendre chrétiennes » (« Itinéraires » n° 67, p. 177), et dans le cas qui nous occupe, très-chrétiennes.
La consécration royale et solennelle de la France au Sacré-Cœur n’a pas été faite. Mais la consécration royale et solennelle de la France à Notre-Dame a bien été faite, elle, en 1638. Aussi ne doit-on pas désespérer car nous appartenons bien à la Très Sainte Mère de Dieu, et elle ne peut se désintéresser d’un Royaume qui lui appartient officiellement, qui est désormais sien. C’est donc par elle qu’il nous faut passer pour rejoindre son Fils.
Auguste Marie, sainte Mère de Dieu, sauvez le Roi et la France !
Notre-Dame de France, régnez sur nous !
Cœur Immaculé de Marie, hâtez vos triomphes ! Ainsi soit-il.
A découvrir aussi
- Pèlerinage au Puy (Remerciements)
- Sermon du mardi 6 décembre 2016
- Neuvaine préparatoire au Pèlerinage du Puy (17-26 mai A.D. 2017)
Retour aux articles de la catégorie Confrérie -