Lettre mensuelle aux membres de la Confrérie (25 mars 2016)
Lettre aux membres et amis de la Confrérie royale
pour le 25 mars anno Domini 2016
le 24 mars 2016
Jeudi-Saint
Comme (initialement) Confrérie royale du Clergé de France, nous ne pouvons manquer de saluer tout d’abord nos chers frères dans le Sacerdoce en ce Jeudi-Saint, fête de l’institution de ces deux Sacrements intimement liés que sont le Saint-Sacrifice de l’Autel et le Sacerdoce catholique, et prions donc « le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à Sa moisson » (Mt IX, 38).
Vendredi Saint 25 mars.
Voici donc venu le grand jour, tant ordinaire liturgiquement (par sa venue annuelle dans le cycle de la liturgie) qu’extraordinaire en tant que motif de ce grand Jubilé (au Puy comme à Argenteuil), par l’occurrence le même jour des deux mystères si fondamentaux pour nous, créatures, que ceux de l’Incarnation et de la Rédemption. Le Martyrologe romain commémore en effet le dies natalis du Bon Larron, saint Dismas, le 25 mars, et Cornelius a Lapide établit la Passion du Christ un vendredi 25 mars.
L’Incarnation est profondément vénérée par l’École française de spiritualité ; mais la Rédemption n’est pas en reste, avec tous les monuments (artistiques, liturgiques, juridiques, etc.) qui ont manifesté aux yeux de tout homme la sublimité du Christianisme.
« Tout est consommé » (Jn XIX, 30) s’exclame Jésus sur la Croix. Tout est accompli, tout est résumé, de l’aventure initiale (l’assomption par une Personne divine de la nature humaine) à la résolution finale (la mort libre en sacrifice sur la Croix). Adam ayant tout gâché par sa prévarication, voilà que Dieu Lui-même « prend les choses en main » et S’associe intimement à Sa créature pour réparer les dégâts, pour restaurer Sa Création, « tout restaurer dans le Christ » (saint Pie X), vocabulaire de la restauration qui se trouve si souvent utilisé par le pape Pie XI dans son encyclique Casti connubii (31 décembre 1930) sur le mariage chrétien. Voici donc réalisées les noces de la Divinité et de l’humanité, les Noces mystiques sur la Croix, comme achèvement et sommet (et en même temps tréfonds) de la Semaine Sainte.
Par l’Incarnation, le Fils de Dieu S’humiliait comme il était impensable qu’un Dieu S’humiliât. Par la Rédemption le Vendredi-Saint, Il descendait encore plus bas, en pénétrant dans les Limbes des Patriarches, pour faire luire dans les ténèbres une grande lumière, et leur laisser entrevoir Sa glorieuse Résurrection, et ainsi leur propre libération et entrée dans la vraie Terre Promise, l’éternelle Patrie.
Dans le silence de la nuit de l’Incarnation, Dieu Se fait homme ; dans le silence de la nuit de la Rédemption (du Jeudi au Vendredi Saints), le Verbe incarné éprouve d’une certaine manière – mais dans la confiance – l’abandon de Dieu (cf. psaume XXI) et S’abandonne totalement à Sa volonté : l’Heure pour laquelle Il est venu en ce monde sonne, le sacrifice va être consommé.
L’Incarnation.
Mettons-nous à l’école du restaurateur de Solesmes, Dom Prosper Guéranger, pour comprendre ce qui se réalisa en cette nuit très sainte du jeudi 24 au vendredi 25 mars, dans une petite chambre d’une maison ordinaire de Nazareth, bourgade qui donnerait Son Nom d’homme au Verbe Incarné. A la figure du nouvel Adam le Vendredi-Saint, s’ajoute celle de la nouvelle Eve à l’Annonciation.
La Rédemption.
Et envolons-nous, tel Habacuc, trente-trois ans plus tard, au moment où va prendre fin la vie humaine que le Seigneur a prise neuf mois avant Sa Nativité.
A la sainte Messe, ce sont ces deux facettes, ces deux mystères terminaux (le début et la fin de la vie humaine du Christ) qu’il nous est donné de contempler en quelque sorte, à la double élévation, si l’on rejoint M. Gibson dans son éblouissante mise en scène de La Passion du Christ – mais, lui, rapproche l’élévation de la Croix le Vendredi, de la Messe du Jeudi Saint. A l’élévation de la sainte Hostie, du Corps sacré du Christ, adorons Son Incarnation ; à celle du Calice du Précieux Sang, adorons notre Rédemption (notre « rachat » à la tyrannie de Satan) par ce Sacrifice unique.
Visite royale à Argenteuil.
Nouveau saut dans le temps – mais la sainte Messe nous fait mystérieusement vivre tous ces moments... Nous voici fin mars 2016.
Les Juifs voulaient faire de Notre-Seigneur un messie uniquement temporel, comme ces personnes qui passent à notre époque leurs journées à commenter des articles parus sur des sites plus ou moins royalistes, souvent « people », et qui s’insurgent ces jours-ci contre la venue de Mgr le Prince Louis, duc d’Anjou, à la vénération de l’ostension extraordinaire de la Sainte Tunique du Christ à Argenteuil le vendredi 1er avril prochain. Nous avons là, chers Amis, tout un symbole.
De la part de notre Roi tout d’abord : à notre connaissance, le président de Russie Medvedev avait été le seul chef d’État à venir honorer la Sainte Couronne d’Épines en la cathédrale de Paris lors de sa venue en France ; hélas, ce ne fut le cas d’aucun souverain catholique, pas même le premier Prince du sang, aujourd’hui roi d’Espagne…
De la part de cette « foule » mondaine, dans tous les sens du terme, ensuite, qui danse et festoie le vendredi de la Passion et de Notre-Dame des Sept Douleurs (je renvoie au saint Curé d’Ars pour savoir ce que les Saints pensent des bals en général, et des prescriptions quadragésimales en particulier), même sous le prétexte très pharisaïque (terme d’actualité dans l’Église…) de bienfaisance, et qui sur ces sites précités, manifeste non seulement ne partager aucunement les principes légitimes et traditionnels de la Royauté en France – ne conservant des Lois fondamentales du Royaume que la succession par primogéniture mâle, cela doit être notre seul point commun avec eux –, et surtout ce principe fondamental (« The last but not the least ») de catholicité.
Qu’y a-t-il en effet d’inouï à ce que le Fils aîné de l’Église, Premier Souverain de la Chrétienté, Lieutenant du Christ sur terre et Roi Très-Chrétien, aille honorer un vendredi de Pâques et premier du mois une relique insigne de Notre Seigneur Jésus-Christ, que son ancêtres saint Charlemagne reçut avec la plus grande dévotion il y a douze siècles ?
C’est au contraire une belle manifestation de la fidélité de notre Roi à sa mission, de conformité à sa dignité et de remarquable exemple pour ses sujets.
Lui, l’aîné des descendants de saint Louis – né le même jour que lui à 760 ans de distance, ce sera le prochain 25 du mois –, est le digne fils et successeur du modèle ici-bas des rois.
Je n’ose renvoyer mes lecteurs aux commentaires au moins stupides (et pour certains : républicains ! que vont-ils sur des sites faisant la promotion du Roi ?!), au pire sacrilèges, que j’ai eu la douleur de lire. La restauration du Roi légitime ne se fera ni par des mensonges, ni par démagogie, ni en bradant l’héritage et les principes traditionnels régissant le Royaume. « Il faut, pour que j’y rentre en roi, que Dieu y règne en maître », disait le comte de Chambord. Tout le contraire hélas – qui le croira ? – de nombre de pseudo-royalistes modernes, adeptes d’une « république couronnée » stigmatisée et condamnée en janvier dernier par notre Roi « glorieusement régnant ». Aussi cette modeste œuvre qu’est la Confrérie royale se range-t-elle résolument et embrasse-t-elle plus vigoureusement l’Union des Cercles Légitimistes de France, peut-être l’une des seules œuvres fidèles aux principes et fondements de la Royauté française de droit divin. La devise d’Henri V : « Ma personne n’est rien, mon principe est tout », est aujourd’hui – comme au XIXe siècle – honnie par nombre de personnes qui se fourvoient en soutenant sentimentalement un mode de gouvernement selon leurs propres conceptions (bien souvent non fondées car sans base et sans instruction), en voulant marier des principes irréconciliables : en matière de religion, cela donnait, dans L’Illusion libérale de Louis Veuillot : les « Catholiques libéraux », amis de la Révélation sans vouloir être ennemis de la Révolution.
Non, S.M. le roi Louis XX n’a pas à imiter son cousin et à prêter serment devant une couronne (d’ailleurs ni reçue ni portée) et un sceptre, avec l’absence criante du traditionnel crucifix, au cours d’une cérémonie volontairement sécularisée – entendez : déchristianisée –, pour finalement adopter des lois défendant l’avortement, l’euthanasie et reconnaissant les unions homosexuelles. C’est ce qui s’est passé en Espagne, en Belgique, au Luxembourg : Dieu nous garde d’avoir un Royaume de France coupable de telles trahisons. Mais nous retrouvons aujourd’hui le même entourage libéral auquel fut confronté le roi Louis XVI quand il décida courageusement de se faire sacrer, contre vents et marées ; au Temple, il regrettera amèrement d’avoir laissé se propager ces sirènes irréligieuses.
Par la tunique sans couture du Christ, tissée patiemment par Notre-Dame elle-même, devrait être représentée l’unité d’esprit et la communion d’âme tant des Catholiques de manière générale, que des Royalistes français de manière particulière. Et voilà que beaucoup la tirent au sort (Ps XXI, 18), tels les soldats chargés du supplice de Notre Seigneur (Mt XXVII, 35) ; voilà qu’ils la déchirent, cette tunique, au gré de leurs caprices, ballotés qu’ils sont « à tout vent de doctrine » (Eph IV, 14) ; « car un temps viendra où ils ne supporteront plus la saine doctrine, mais au gré de leurs désirs se donneront une foule de maîtres, l'oreille leur démangeant ; et ils détourneront l'oreille de la vérité pour se tourner vers les fables » (II Tim IV, 3-4).
Le sacre et couronnement de Notre Seigneur.
Mais revenons si vous le voulez bien à l’aspect religieux – n’en déplaise aux néo-royalistes anticléricaux pour ne pas dire antichrétiens – et spirituel de ces jours. Je vous parlais à l’instant de cérémonies sécularisées.
Je n’apprendrai à personne que le Bon Dieu est très méticuleux en tout ce qui concerne la sainte Liturgie : les prescriptions vétérotestamentaires (cf. le livre du Lévitique) en sont la preuve.
Notre Roi des rois a scrupuleusement respecté tous les éléments du sacre royal.
La semaine passée, Il acceptait l’onction. Dimanche, Il faisait Son entrée triomphale – sa « Joyeuse Entrée », source de grâces pour les condamnés (cf. le Bon Larron) – dans Sa cité sainte, Sa capitale. Entouré de Sa Cour en ce début de Semaine Sainte, voici qu’Il préside le repas sacré de la Pâque, puis institue le Très Saint Sacrement de l’Autel et le Sacerdoce. Reconnu Fils de Dieu – c’est le motif foncier de condamnation par les grands-prêtres – et roi des Juifs – « quod scripsi, scripsi » (Jn XIX, 22) affirme péremptoirement Pilate, ce qui sera son seul acte audacieux –, voici qu’Il S’avance vers le lieu de Son Couronnement : Il a embrassé Son trône, le bois de la Croix qu’Il porte sur Lui, ce en quoi l’imiteront nombre de nos rois, qui portaient cette précieuse relique sur eux. « Quand J’aurai été élevé de terre, J’attirerai à Moi tous les hommes » (Jn XII, 32) : tel le roi de France dans la cathédrale de Reims, voici qu’Il monte au jubé, où a été installé le trône d’où tous Ses sujets pourront l’apercevoir. « Vivat Rex in æternum ! » : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu » (Mt XXVII, 54).
L’onction sainte, ce n’est pas fondamentalement par sainte Marie-Madeleine qu’Il l’a reçue la semaine passée, mais à l’instant-même de Sa venue sur la terre. L’onction qui Le rend l’Oint, le Messie, est réalisée alors que la deuxième Personne de la Très Sainte Trinité assumait une nature humaine dans le sein très chaste, dans le sanctuaire très pur, dans le Tabernacle sacré des « entrailles » de la Très Sainte Vierge Marie, la nuit-même de l’Incarnation.
En ce jour où se mêlent, s’unissent et s’embrassent, telles la Miséricorde et la Justice (cf. psaume LXXXIV : « Misericordia et veritas obviaverunt sibi, justitia et pax osculatæ sunt »), l’Incarnation et la Rédemption, nous avons la réalisation, en une seule et même journée, de l’Onction du Sacre et du Couronnement. Jésus est vrai Roi. Roi des hommes et roi des Anges. Roi de toute la Création. « Celui par Qui règnent les rois », qui s’honoraient jusqu’ici de porter la croix rédemptrice sur leurs couronnes, et qui aujourd’hui la cachent pudiquement…
« Ce n’était pas la bouche d’un homme, dit saint Ambroise, mais celle d’un Ange, qui devait exposer le mystère d’un tel message. Aujourd’hui pour la première fois l’on entend : L’Esprit Saint surviendra en vous. On entend et on croit. Voici, dit Marie, la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ».
Ce messager céleste, saint Gabriel, est normalement célébré en ce 24 mars, veille de l’Annonciation. Les personnes et organisations qui l’ont comme patron voient cette année sa fête reportée après l’octave de Pâques, le mardi 5 avril, premier mardi du mois, consacré à la prière pour le salut et la prospérité de la France. Demandons au grand Archange, qu’un lien si particulier unit à Notre-Dame, de nous apporter à nous aussi cette bonne nouvelle du salut, du salut pour l’Église et pour la France, pour le monde et pour nous.
Et dans les tristes circonstances qu’il nous faut traverser ici-bas, gardons la foi indéfectible de la Très Sainte Vierge Marie : dans deux jours, notre Dieu et roi sera ressuscité.
Abbé Louis de Saint-Taurin +