L'Ami de la Religion et du Roi

L'Ami de la Religion et du Roi

Du Sacre de nos Rois.

Lettre mensuelle aux membres et amis

de la Confrérie Royale

25 novembre 2018

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Du sacre de nos rois

 

Dans le régime républicain que la France subit depuis des décennies, chaque investiture de nouveau président, -passant de façon si fugace -, se veut une maigre et pâle copie des cérémonies royales d'antan. Mais comme tout est horizontal, glorification de l'idéologie maçonne et laïcarde, tout est sans goût, se réduisant à un événement médiatique permettant au chef de distribuer sourires, embrassades, poignées de mains et « selfies ». Nous sommes bien loin du roi touchant et guérissant les écrouelles après avoir reçu l'onction du sacre, véritable sacrement. La monarchie française n'est pas une royauté d'opérette, un système constitutionnel, un décor de carton-pâte. Sa fondation n'est pas un simple accord de légitimité entre le souverain et ses peuples. Elle est ancrée dans la Révélation chrétienne, puisque le roi ne peut l'être que s'il est revêtu de la grâce divine, une grâce extraordinaire et particulière, reçue au moment du sacre. Seule la monarchie anglaise a essayé de singer, dans ses rites, le couronnement français, sans réaliser qu'il lui manquait, depuis son schisme, la dimension sacramentelle qui est la seule à donner son sens à la pompe et au faste. Les insignes du sacre ne seraient que colifichets sans cette dimension transcendante uniquement présente dans le rituel français.

 

Tout d’abord, notre roi, étant dépositaire d’un véritable ministère, - celui d’aimer tous ses sujets, de pratiquer la justice et la miséricorde, de veiller à l’intégrité du royaume et à son rayonnement, à sa prospérité -, doit se préparer au couronnement par une veillée de prière dans la cathédrale de Reims, ceci comme pour la pratique chevaleresque de l’adoubement. Il va devenir le chevalier du Christ en terre et doit ainsi être habité par la grâce nécessaire à cette nouvelle nature. Il se confesse durant cette nuit d’adoration et de silence, ne recevant l’absolution qu’au dernier moment, juste avant la sainte communion du lendemain, ceci afin qu’il soit en parfait état de grâce. Prenant un court repos au palais du Tau voisin, résidence de l’archevêque, il y est réveillé par les évêques de Laon et de Beauvais, portant les reliques. Il les attend dans l’attitude d’un gisant, les yeux ouverts, comme l’effigie des monarques sur les tombeaux de Saint-Denis revêtus des insignes royaux avec des vêtements dont les plis tombant droit semblent indiquer que les morts sont vivants et debout. Ce symbole est essentiel car il signifie que le roi possède deux corps : le corps moral, qui ne meurt jamais car la chaîne royale est ininterrompue, et le corps naturel, mortel, qui prenait la place de son prédécesseur, là aussi sans rupture. La légitimité est continuité dans la stabilité. Aucun événement, même le plus tragique, ne peut faire que le roi soit mort à jamais : lorsqu’il meurt, aussitôt il vit.

 

L’abbé de Saint-Denis veille sur les insignes royaux dont il est le dépositaire, tandis que l’abbé de Saint-Remi veille sur la Sainte Ampoule contenant le saint chrême pour l’onction, ceci depuis Clovis. Cette huile sainte est l’élément central du sacre qui est sacrement. Tous les autres objets pourraient venir à manquer mais celui-ci est nécessaire. Grâce à Dieu, en 1793, lorsque la Convention ordonna sa destruction en place Nationale (ci-devant Royale) sur le piédestal d’où on avait jeté à bas la statue de Louis XV, le curé jureur de Saint-Remi, devenu église paroissiale, retira de la précieuse fiole une grande quantité d’huile sainte, ce qui permit à Charles X d’être consacré comme ses prédécesseurs. Une nouvelle fois, en 1906, lorsque l’archevêque Mgr Luçon, fut expulsé du palais du Tau, il sauva dans un simple flacon le contenu du reliquaire dont l’état anticlérical exigeait la remise. Ce saint flacon est toujours conservé à l’archevêché, attendant le prochain sacre…

 

La fiole scellée du Saint Chrême (1906).jpg

La fiole scellée renfermant l'huile sainte retirée de la sainte ampoule avant sa destruction
telle qu'elle se trouve actuellement dans un coffre de l'archevêché de Reims

 

Le rite du couronnement commence par le serment du roi, dialogue entre le monarque et l’archevêque de Reims, par lequel est scellé l’engagement royal à défendre l’Église et ses privilèges canoniques dans toutes les provinces du royaume. L’Ordo de Charles V, traduit par Patrick Demouy dans son magnifique ouvrage Le Sacre du Roi (éd. La Nuée bleue, 2016), rapporte les mots exacts de ce pacte qui respecte les deux ordres, royal et religieux, tout en instituant un lien indéracinable entre eux. Les différents ordos conservés contiennent des variantes selon les époques et selon les souverains. Il fut d’usage aussi de préciser que les hérétiques devaient être chassés du royaume. Le coeur en est toujours les tria precepta, à savoir paix, justice et miséricorde.

Ensuite a lieu le rite de passage, chevaleresque, où le roi est dépouillé de tous ses vêtements, à l’exception d’une tunique et d’une chemise dont les ouvertures permettraient les onctions. Il reçoit l’épée et les éperons, ceci dans un véritable ballet qui souligne l’axe vertical du pouvoir royal s’inscrivant dans la généalogie des rois de l’Ancien Testament et dans une dimension cosmique. Ces insignes ont échappé à la fureur révolutionnaire. Ils reposent aujourd’hui au Louvre. L’épée Joyeuse, dite « de Charlemagne », attend ainsi des jours meilleurs.

L’onction, septuble, revêt alors le roi de sa charge de pasteur, intermédiaire entre Dieu et son peuple. L’archevêque de Reims mélange le Saint Chrême du Jeudi saint précédent avec une parcelle, « grosse comme un pois », du baume desséché de la Sainte Ampoule. Le souverain reçoit cette huile sainte sur la tête, comme pour les consécrations épiscopales, sur la poitrine, entre les épaules, sur chaque épaule et à la jointure des bras, ceci afin que tout son être soit inondé, jusqu’au coeur, comme David sur lequel la corne d’huile fut renversée par Samuel.

Le chambellan revêt le monarque oint avec la tunique, la dalmatique et le manteau, tous trois fleurdelisés : le roi est pontife et sa charge est quasi sacerdotale, même s’il n’est pas prêtre pour l’autel. Il est habité par un caractère, semblable à celui de l’ordination. Recouvert par les fleurs de lys, il devient le chevalier par excellence de la Très Sainte Vierge qui protège son royaume de façon privilégiée. Il devient lui-même un lys, comme le Christ l’est pour l’Église selon la belle image du Cantique des cantiques. Ces vêtements fleurdelisés ne sont pas ceux du monde mais ceux des cieux. Ils préfigurent la Jérusalem nouvelle où chaque élu est un lys à la ressemblance du Maître. La couleur bleue est celle de l’azur mais aussi celle réservée au grand prêtre dans l’Ancien Testament.Il prend aussi les gants épiscopaux et reçoit l’anneau, symbole de l’union mystique entre lui et son peuple. L’archevêque lui remet aussi le sceptre et la verge de justice. La marque de la puissance monarchique est le sceptre, image de la droiture et de la vertu. En l’acceptant, le roi s’engage à mener une vie irréprochable, à lutter contre le mal et à défendre la justice. Ce sceptre est le canal entre le ciel et la terre car, pour le couronnement royal français, il n’est pas court mais aussi long qu’une crosse d’évêque, jouant d’ailleurs un rôle identique, celui du bâton de berger guidant le troupeau et du messager transmettant ce qu’il reçoit de l’autorité divine. Quant à la verge de justice, elle est le symbole de la vertu et de l’équité. Elle est la clef de David et sa dimension, 59 cm, est exactement une coudée biblique. Là aussi l’Ancien Testament est constamment présent comme héritage, montrant la continuité de l’élection divine de l’ancienne Alliance dans le lieutenant choisi par le Christ pour le royaume de France. Seul le roi de France a conservé ces deux sceptres alors que les autres souverains ont remplacé la main de justice par un globe, à la suite de l’empereur germanique. Notre roi est vraiment le successeur de David et de Salomon, le fils du Nouveau David et du Nouveau Salomon. Il réalise ce que chante David dans le psaume XXII : « Près de moi ton bâton, ta houlette, sont là qui me consolent. » Le roi de France doit être consolateur pour son peuple.

Vient alors le couronnement proprement dit. La couronne symbolise la clarté de l’âme et le passage à la lumière éternelle. Elle est l’héritière de la coiffe du grand prêtre et de la mitre épiscopale. Les pierreries qui l’ornent sont au nombre de douze, quatre émeraudes pour la foi, quatre saphirs pour l’espérance et quatre rubis pour la charité. Elle fut détruite par les ligueurs et les sacres suivants utilisèrent la couronne de la reine, en tous points semblables, jusqu’à ce que cette dernière fût fondue par la révolution. Le roi ne garde pas longtemps cette couronne officielle, très lourde. Il ceint une deuxième couronne, plus légère, sa couronne personnelle. La galerie d’Apollon, au Louvre, conserve la couronne personnelle de Louis XV (mais avec de fausses pierres), et la couronne officielle de Napoléon I, ornée de camées, utilisée également pour le sacre de Charles X. Le roi ainsi couronné d’or et de pierres précieuses devient celui qui, par la pratique des vertus qui brillent, doit mener ses sujets vers le Royaume céleste.

Enfin le roi est intronisé, revêtu de tous ses insignes, ployant sous leur poids (surtout lorsque le souverain est encore un enfant) sur un trône placé en haut du jubé de la cathédrale, devenant alors visible des assistants qui se trouvent dans la nef. Il vole ainsi sur la montagne sainte. Le Te Deum éclate pour exalter celui qui devient le médiateur entre Dieu et son peuple, entre le Ciel et la terre. La grand messe pontificale clôt cette admirable cérémonie, avec le calice dit de Saint Remi qui échappa par miracle à la fureur révolutionnaire.

Tout s’achève par le festin au palais du Tau, également très ritualisé, et le lendemain par la guérison des écrouelles lorsque le roi imposera les mains sur les malades.

 

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La couronne de Louis XV (musée du Louvre)
la seule à avoir échappé au vandalisme révolutionnaire...

 

Cette courte et incomplète description ne veut pas être un hymne à la nostalgie mais une préparation intérieure pour comprendre, au-delà de l’anecdotique, que le sacre est de l’ordre de la transcendance et qu’il perpétue l’Alliance entre Dieu et les hommes initiée dans l’Ancien Testament. Aucun détail n’est superficiel dans un tel rite. Comme pour la messe pontificale papale traditionnelle, il serait (il sera) très malaisé de le rétablir dans sa pureté et son unité d’origine, car bien des fonctions de cette liturgie doivent être occupées par des personnages dont la lignée est morte. Ce fut d’ailleurs un problème majeur du sacre de Charles X qui composa avec les idées nouvelles, ce qui explique sans doute l’échec de cette restauration incomplète.

 

Le prochain roi qui sera couronné à Reims devra retourner aux ordos les plus anciens afin de s’assurer de la pleine validité de son sacre qui ne dépend pas de cérémonies humaines mais d’une investiture reçue d’en haut. En attendant, notre devoir est de prier et d’offrir des sacrifices afin que cette résurrection soit possible pour le bien de notre pauvre royaume défiguré.

 

 

P.Jean-François Thomas s.j.

3 octobre 2018

Sainte Thésèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face.

 

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Saint Charlemagne à la sommité du sceptre de Charles V
(musée du Louvre)



24/11/2018
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