L'Ami de la Religion et du Roi

L'Ami de la Religion et du Roi

Lettre mensuelle aux membres de la Confrérie (25 février 2016)

Le Frère Maximilien vous l’a dit : ce mois-ci, nous ne sommes pas vraiment le 25e du mois… mais le 24e bis ! La sainte Liturgie nous fait célébrer saint Matthias. Est-il besoin de rappeler que saint Matthias est l’un des Apôtres ? Et un apôtre tout particulier puisqu’il est le 13e… ou plutôt le remplaçant du 12e. Quelle leçon cela peut-il donner aux membres et amis de la Confrérie royale ?

 

Bien qu’ayant participé à toutes les grandes aventures du Messie comme disciple, Matthias n’en est pas moins l’apôtre de la onzième heure, pour reprendre une parabole évangélique. D’aucuns diront : de la treizième heure, ce qui n’est pas faux, ayant été « élu » (de manière ô combien mystérieuse : « par hasard », « par le sort ») après la mort, la Résurrection et l’Ascension du Christ[1].

 

Tout comme son élection, sa mission fut également bien singulière : remplacer le prévaricateur Judas. Remplacer le traître. Redonner son lustre, restaurer sa dignité au douzième siège du Collège apostolique. « Il était appelé à cette gloire, dit Dom Guéranger, car c’était lui que David avait en vue, lorsqu’il prophétisa (Ps. CVIII) qu’un autre recevrait l’Épiscopat laissé vacant par la prévarication du traître Judas ».

 

Voici notre mission : relever le flambeau et l’honneur laissés tombés par nos contemporains et compatriotes ; à l’exemple de ce que nous demande Notre-Dame à chacune de ses apparitions : faire pénitence non seulement pour nos propres péchés, mais pour les fautes et crimes des pécheurs endurcis. Je vous renvoie à la prière enseignée par l’Ange aux pastoureaux de Fatima : « Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je Vous aime. Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'espèrent pas, qui ne Vous aiment pas ».

 

Léon XIII l’a dit justement : « Rien n'enhardit autant l'audace des méchants que la faiblesse des bons » (Sapientiae christianae, 1890).

 

L’un des péchés caractéristiques de notre société est bien l’indifférence pour le bien commun, alors que sa défense est un devoir pour tous : pour les autorités en premier lieu, mais également pour les inférieurs, qui n’ont pas à être des assistés !

 

Face aux dysfonctionnements de l’élite, voire à ses prévarications comme aujourd’hui, il nous faut réagir. A l’exemple de Sem et Japhet qui face à la nudité de leur père Noé ne restèrent pas dépourvus, n’imitèrent pas les moqueries de leur frère Cham, mais respectèrent la pudeur de leur père en détournant le regard, tout en couvrant pratiquement la nudité paternelle et en « gérant les affaires courantes » en remplacement de l’indisposition momentanée du patriarche.

 

Les changements à la tête ne s’opèreront surtout que par le recouvrement de la santé du corps tout entier : commençons donc à guérir les membres un par un, tout en priant pour la tête et en la gardant comme finalité. Selon l’exhortation de saint Pie X : « C’est dans la mesure où pénètre dans la vie des hommes la force bénéfique de

la religion, que l’on délibère en vue de la prospérité de l’État. Il ne sera pas possible de tout restaurer dans le Christ autant que c’est possible, si l’esprit du Christ, outre les mœurs de chacun et celles de sa famille, n’a pas pénétré les institutions politiques » (Lettre Missam a vobis, 1911). La guérison de la tête est évidemment fondamentale, mais celle des membres est présupposée. Et comme nous sommes tous un seul corps, la santé est pour le bien de l’ensemble.

 

Le Carême que nous avons commencé s’inscrit dans cette démarche de guérison. Notre-Seigneur doit déjà régner en notre âme et dans notre corps, c’est-à-dire dans notre personne entière, dans nos foyers, nos familles, notre entourage, si l’on veut qu’Il restaure Sa Royauté concrète au faîte de l’édifice. Le comte de Chambord ne disait pas autre chose : « Il faut que Dieu y rentre en maître pour que je puisse y régner en roi ». Il nous incombe de préparer le terrain, qui n’est pas avant tout autre chose que notre propre personne, et ce sur quoi nous avons une influence voire autorité directes : notre foyer (au sens large de famille et de maison), nos réseaux d’amitié, notre profession. Soyons convaincus que notre propre conversion aura une influence sur la marche du Royaume, de même que la confession et la communion des soldats de la Pucelle obtinrent les faveurs du Ciel et la victoire.

 

Saint Clément d’Alexandrie rapporte les paroles du dernier apôtre : « Il faut, disait saint Mathias, combattre la chair et se servir d’elle sans la flatter par de coupables satisfactions ; quant à l’âme, nous devons la développer par la foi et par l’intelligence » (Stromat., II, 4). Le programme de notre Carême est ici tout tracé.

 

Est-il besoin, pour nourrir votre foi et votre intelligence, de vous recommander, outre les meilleurs auteurs spirituels, les documents du Magistère, notamment du XIXe et de la première partie du XXe siècles ? Ils sont aisément consultables sur le site du Vatican (à « Souverains Pontifes » au bas de la page d’accueil).

 

Terminons par les paroles toujours si profondes de l’abbé de Solesmes : « En effet, l’équilibre ayant été rompu dans l’homme par le péché, et l’homme extérieur ayant toutes ses tendances en bas, nous ne pouvons rétablir en nous l’image de Dieu qu’en contraignant le corps à subir violemment le joug de l’esprit.

   Blessé à sa manière par la faute originelle, l’esprit lui-même est entraîné par une pente malheureuse vers les ténèbres. La foi seule l’en fait sortir en l’humiliant, et l’intelligence est la récompense de la foi. C’est en résumé toute la doctrine que l’Église s’attache à nous faire comprendre et pratiquer dans ces jours.

   Glorifions le saint Apôtre qui vient nous éclairer et nous fortifier. Les mêmes traditions qui nous fournissent quelque lumière sur la carrière apostolique de saint Mathias, nous apprennent que ses travaux furent couronnés de la palme du martyre. Célébrons aujourd’hui son triomphe en empruntant quelques-unes des strophes par lesquelles l’Église grecque, dans les Menées, célèbre son Apostolat :

Bienheureux Mathias, Éden spirituel, tu as coulé de la fontaine divine, comme un fleuve inondant ; tu as arrosé la terre de tes mystiques ruisseaux, et tu l’as rendue féconde : prie donc le Seigneur d’accorder la paix à nos âmes et sa grande miséricorde.
 Apôtre Mathias, tu as complété le divin collège après la chute de Judas ; la splendeur céleste de tes sages discours a dissipé les ténèbres de l’idolâtrie, par la vertu de l’Esprit-Saint ; prie maintenant le Seigneur d’accorder la paix à nos âmes et sa grande miséricorde.
 Celui qui est la vraie Vigne t’a soigné comme une branche féconde destinée à porter la grappe qui verse le vin du salut. Ceux que retenaient les liens de l’ignorance ont bu de ce vin, et ont rejeté l’ivresse de l’erreur.
 Devenu le char du Verbe de Dieu, ô glorieux Mathias, tu as brisé à jamais les roues de l’erreur, les chars de l’iniquité ; par une vertu divine, tu as détruit de fond en comble les idolâtres, les colonnes et les temples ; mais tu as élevé à la Trinité des temples qui font entendre ce cri : Peuples, célébrez le Christ à jamais !
 Vénérable Mathias ! Tu as paru comme un ciel spirituel qui raconte la gloire ineffable du Fils de Dieu. Célébrons avec joie d’une voix unanime cet Apôtre, éclair de l’Esprit-Saint, pêcheur des âmes égarées, reflet de la divine clarté, docteur des mystères.
 Bienheureux Apôtre, le Sauveur t’a appelé son ami, parce que tu as obéi à ses préceptes ; tu es l’héritier de son royaume ; tu seras assis avec lui sur un trône au jour terrible du jugement futur, ô très sage Mathias, toi qui complètes le collège duodénaire des Apôtres.
 Muni de la Croix comme d’une voile, ô bienheureux, tu as traversé la mer agitée de la vie, et tu es arrivé au port tranquille ; maintenant, joyeux et mêlé au chœur des Apôtres, daigne te présenter au Juge sublime, et implorer pour nous du Seigneur la miséricorde.
 Ta langue a paru comme une lampe éclatante de reflets d’or, où brûle la flamme du Saint-Esprit ; elle a consumé les dogmes étrangers, et elle a éteint le feu profane, ô sage Mathias, toi qui as lancé ta lumière sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres de l’ignorance ».

 

Abbé Louis de Saint-Taurin +



[1] « En ces jours-là, Pierre se levant au milieu des frères (or le nombre des hommes réunis était d’environ cent vingt), dit : Mes frères, il faut que s’accomplisse ce qu’a écrit et prédit l’Esprit-Saint par la bouche de David, touchant Judas, qui a été le guide de ceux qui ont pris Jésus : qui était compté parmi nous, et avait reçu sa part au même ministère. Et il a acquis un champ du salaire de l’iniquité, et s’étant pendu, il a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues.

Et cela a été connu de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce champ a été appelé en leur langue, Haceldama, c’est-à-dire champ du sang. Car il est écrit au livre 1 des Psaumes : « Que leur demeure devienne déserte, et qu’il n’y ait personne qui l’habite, et que son épiscopat, un autre le reçoive ». Il faut donc que de ceux qui se sont unis à nous pendant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, à commencer du baptême de Jean, jusqu’au jour où il a été enlevé d’au milieu de nous, il y en ait un qui devienne témoin avec nous de sa résurrection.

                Et ils en présentèrent deux, Joseph, qui s’appelait Barsabbas, et qui a été surnommé le Juste, et Mathias. Et, priant, ils dirent : Vous, Seigneur, qui connaissez les cœurs de tous, montrez lequel vous avez choisi, de ces deux, afin de prendre place dans ce ministère et cet apostolat, dans lequel Judas a prévariqué pour s’en aller en son lieu. Et ils leur distribuèrent les sorts, elle sort tomba sur Mathias, et il fut associé aux onze Apôtres » (Ac, I, 15-26).



24/02/2016
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